Cession et Transmission d’entreprise
Interview Pierre-Emmanuel Joseph
« Pour céder son entreprise, un dirigeant doit définir ses objectifs et anticiper »
Les dirigeants d’entreprise anticipent-ils suffisamment leur fin d’activité ?
Hélas non, car un dirigeant est toujours dans l’action. La transmission de son entreprise est rarement l’une de ses propriétés, il y consacre donc peu de temps et s’intéresse à la question souvent trop tard.
A partir de quel moment doit-il réfléchir à sa succession ?
Qu’il s’agisse d’une transmission à ses enfants ou à un autre repreneur ou d’une vente, une transmission d’entreprise doit s’envisager autour de 55 ans. La plupart du temps, il faut compter une période minimale de dix ans entre la prise de décision et la cession effective.
Pourquoi est-ce si long ?
Une transmission est réussie lorsqu’elle est bien préparée. Elle ne doit donc pas se focaliser exclusivement sur le futur de l’entreprise et les outils de transmission. Les dirigeants qui envisagent de transmettre doivent réfléchir « à l’envers » et commencer par définir leur objectif final personnel en tenant compte de leur avenir lorsqu’ils ne seront plus en activité.
C’est-à-dire ?
Si l’objectif du dirigeant est de transmettre son entreprise à titre gratuit, il doit s’assurer de disposer de suffisamment de revenus à la retraite. Si ce n’est pas le cas, il peut envisager, par exemple, une solution mélangeant donation et cession de l’entreprise pour récupérer un capital. Il existe toute une large palette de solutions entre une transmission partielle et une cession totale de l’entreprise.
Quelle est la problématique principale qui revient dans toutes les transmissions ?
Celle de l’immobilier. Lorsqu’il lance son activité, un dirigeant y consacre tout son capital et ses moyens et achète de l’immobilier via son entreprise. Les biens acquis (bureaux, entrepôts, commerces,…) deviennent alors des actifs de son entreprise. Au moment de la cession, cet immobilier peut être cédé avec l’entreprise ou apporté à une SCI, créée par le dirigeant, qui louera ensuite les biens à la société. La solution à privilégier dépend des objectifs du chef d’entreprise : préfère-t-il percevoir un capital ou s’assurer des revenus réguliers.
Comment conseillez-vous les dirigeants qui réfléchissent à une transmission ?
Nous démarrons toujours par un audit patrimonial et civil. Par exemple, si le dirigeant est marié en séparation de biens, un classique chez les chefs d’entreprise qui optent pour ce régime pour protéger le patrimoine propre de leur conjoint, il peut être opportun de le modifier avant la cession. Nous tenons aussi compte de la situation fiscale, car si les biens professionnels sont exonérés d’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune), ils sont imposés lorsque le dirigeant n’a plus de rôle actif au sein de sa société. Il faut donc calculer le frottement fiscal d’une cession et l’intégrer aux calculs.
Outre sa situation personnelle, à quoi un dirigeant doit-il réfléchir ?
S’il compte transmettre son entreprise à l’un de ses enfants, et pas aux autres, il ne doit surtout pas négliger l’aspect psychologique que sa décision aura sur la cohésion familiale. Nous l’encourageons à réunir tous ses héritiers pour parler avec eux et expliquer son choix. Cette étape est nécessaire car tous les héritiers doivent s’accorder car pour qu’une transmission fonctionne. En effet, le Pacte Dutreil, formidable outil pour la transmission d’entreprise, impose plusieurs conditions pour être mis en place (engagement de conservation des titres, gérant choisi parmi les signataires du pacte,…).